La deuxième et dernière station longue de cette étape

Bonjour à tous,

La deuxième et dernière station longue de cette étape, a débuté tôt ce jeudi matin, sous un ciel gris, une pluie éparse, mais avec enthousiasme.
Le lieu fixé par les scientifiques était un tourbillon repéré sur les photos satellitaires depuis plusieurs jours, sorti du flux du Gulf Stream, et isolé plus au nord, dans le courant froid du Labrador.

Finalement, ce tourbillon a disparu, mais la structure de la colonne d’eau s’étant révélée « homogène » à la première immersion de la rosette, les scientifiques ont souhaité analyser son contenu. On a beau faire de la recherche fondamentale en suivant des protocoles bien précis, il faut savoir être pragmatique et prendre ce qui vient.
C’est aussi ça Tara Océans, rester ouvert à l’imprévu, savoir garder une âme d’aventurier de la science.

 

Analyse des données enregistrées par les capteurs de la rosette à chaque immersion.*

 

Lars Stemman (biologiste marin) chef de mission et Laurence Garczarek (biologiste)**

 

Les prélèvements de la journée ont donné lieu à une riche moisson, au moins pour ce qui est du visible, les scientifiques constatant que les organismes pêchés semblaient plus gros dans ces eaux froides que ceux observés précédemment.

 

Voici différents types de collecte de micro-organismes.***

 

Parmi toutes les espèces qu’elle a échantillonnées dans la journée, Sophie Marinesque, en charge du laboratoire sec, a repéré un petit animal qui a fait l’objet de toutes les attentions, au point que Sophie et Vincent Hilaire, le journaliste du bord, lui ont monté un petit aquarium, un siphonophore, variété cousine de la méduse.

 

 

siphonophore****

 

La station se poursuit vendredi et nous ferons route vers New-York ce vendredi soir.

En marge des prélèvements, voici quelques unes de mes impressions de la vie à bord à partager

La navigation – Elle n’a rien à voir avec ce que j’ai connu jusqu’à présent et c’est même parfois déconcertant. En course ou en croisière, le marin plaisancier, comme le cargo du reste, essaie d’optimiser sa route quand il navigue d’un point à un autre. Même quand il tire  des bords, globalement les éléments sont cohérents : le soleil se  lève côté tribord (ou bâbord), il se couche de l’autre bord. Il est  rare qu’il arrête le bateau et se mette en dérive. Sur Tara, la navigation  se caractérise par l’alternance entre des navigations « classiques  » (on va d’un point à un autre) et des dérives, moteur arrêté, voiles  affalées. Toujours sous pilote automatique, le bateau trace le sillage  que lui impriment le vent et surtout le courant.  Naviguer en dérive ne m’était jamais ou très peu arrivé, si ce n’est  pour un éventuel plongeon en croisière, ou une mise à la cape du  bateau par tempête (car il ne m’était pas possible de faire route)  ou pour effectuer une réparation. Dériver, avancer au rythme des  éléments, est finalement très agréable, du moins quand la houle est  dans le bon sens. Du reste, c’est ce que fait le plancton, puisque  « plankton » en grec, signifie « organisme qui erre ».

« A cœur vaillant rien d’impossible » : c’est ce qui est écrit sur  le planning d’organisation des tâches ménagères. Les 15 membres d’équipage  sont répartis en groupes de deux ou trois, capitaine et cuisinière  exclus, mais scientifiques compris, qui ont une tâche quotidienne à accomplir : service des repas, vaisselle, ménage. Au-delà de la  nécessite d’entretenir le navire et de répartir les tâches, cela  participe aux échanges et à la cohésion de l’équipage, au même titre  que les quarts de nuit auquel participent les scientifiques autant  que les marins (sauf en période de station).

Échanges – La vie à bord est faite de cette alternance d’échanges  et de moments où chacun est concentré sur ce qu’il a à faire. Quand  une station commence, les scientifiques ne quittent pratiquement  pas le pont, affairés autour des manipulations d’engins, tandis que  d’autres filtrent et refiltrent l’eau de mer pompée en surface ou  remontant des engins. Les organismes isolés sont répartis dans les  échantillons. De temps en temps, ils s’accordent une pause, prenant  le temps d’un échange avec un confrère du bord ou celui de répondre  à nos questions. Entre les stations, les « transits » font éclore  les ordinateurs dans le carré.

A plusieurs reprises, Lars Stemmann a organisé une « conférence »  avant le dîner dans le carré, sollicitant tour à tour, les scientifiques  afin qu’ils nous présentent l’objet de leurs recherches et ce qu’ils  étudient plus spécifiquement sur l’expédition Tara Océans. Après  la présentation de Lars Stemmann lui-même sur le plancton, celle  de Daniele Iudicone, physicien océanographe sur les grands mouvements  des courants sur la planète, c’est Laurence Garczarek, chercheuse  en biologie marine à la station CNRS de Roscoff, qui nous a fait  voyager dans le monde encore plus invisible des bactéries, à l’origine  de la production d’oxygène sur terre, à l’origine de la vie sur terre, et premier maillon de la chaîne alimentaire marine.  En deux semaines, les échanges ont aussi le temps de s’arrêter sur  les parcours de vie. Les scientifiques du bord, obéissent à des protocoles  mis au point en amont, mais ils leur reste cette curiosité, cet esprit d’aventure, qui les rapproche finalement des marins.

 

*Sur le pont arrière de Tara, Lars Stemman, biologiste marin, chef de mission, Laurence Garczarek, biologiste, en charge de filtrer l’eau pour recueillir les virus, girus et bactéries, et Steffi Kandels, en charge de l’organisation du laboratoire biologique à bord, préparent les tubes qui vont recueillir les échantillons d’eau de mer. Ceux- ci sont séparés selon le degré de filtration, la profondeur du prélèvement.
**Lars Stemman, chef de mission sur l’étape Savannah – New-York, et Daniele Iudicone, physicien – océanographe, analysent les données enregistrées par les capteurs de la rosette à chaque immersion :
à chaque profondeur, ils connaissent ainsi la température de l’eau, la salinité, la teneur en oxygène, en nitrates, en chlorophyle.
***Voici différents types de collecte de micro-organismes : selon la taille des filtres qui ont été utilisés, on collecte des individus plus ou moins grands. Avec le filtre rond blanc (0,2 à 3 microns, dont le centre a verdi sur la photo), Laurence Garzarek parvient à filtrer jusqu’aux traces d’ADN des organismes les plus petits (virus ou bactéries) invisibles à l’œil nu ; ces prélèvements vont permettre d’analyser la diversité des communautés. Tout cela est bien complexe, mais c’est là que se situent les plus grandes découvertes de l’expédition. Dans les filets des bongos aux mailles plus larges, Sophie Marinesque a recueilli une première fois une colonie de « dolioles » (filtres de 180 microns), animaux gélatineux filtreurs, puis une belle collection de « mysidacées » (petits crustacés) et de poissons mésopélagiques (filtres de 300 microns), micro-poissons pourtant à l’âge adulte.
****La vedette des pêches du jour de Sophie est ce « siphonophore » aux couleurs orangées, qui rappelle la méduse dont il est cousin. Sophie et Vincent Hilaire, le journaliste du bord, lui ont fabriqué un petit aquarium, qu’a finalement photographiée, Sylvie Rouat, la journaliste de Science et Avenir embarquée sur cette étape.